dimanche 13 juillet 2014

Se dire...

Se dire qu’il faut rentrer parce que plus personne ne viendra frapper à la porte du bureau. Se dire qu’il faut rentrer et se demander pourquoi faire. Prendre son temps. Parcourir tous les locaux et vérifier chaque porte, chaque fenêtre, chaque volet. Fermer la dernière porte sur une semaine de travail dont le nombre d’heures, presque doublé, a au moins permis de ne pas penser à la semaine précédente.

Rouler sans vraiment voir la route, sans entendre la radio. Se dire que les infos, de toute façon, ne parleront pas de la seule actualité qui compte.

S’arrêter au supermarché et se rendre compte qu’à bien y réfléchir, les courses effectuées la semaine dernière doivent encore attendre dans les placards et le frigo. Détourner les yeux devants l’étal des fruits et légumes, cruels symboles d’un récent souvenir. Passer devant la caissière sans parvenir à lui décocher un sourire, habituel auparavant. Traverser le hall en courbant les épaules, la tête penchée vers le caddy, pour ne pas voir les couples rire en prévision du week-end qui commence.

Rentrer chez soi, enfin, et se dire que les automatismes ont la vie dure en découvrant appartement rangé, propre, sans vie. S’asseoir et se dire que l’autre intérêt d’avoir passer tant d’heures au travail, c’est de pouvoir maintenant gagner encore quelques heures de répit sur l’absence en s’enfonçant dans un sommeil épais. Sentir cette boule au fond de la gorge, cette boule que l’on connaît bien, et s’imaginer qu’au réveil, elle aura disparu…elle aussi…

Se réveiller une heure plus tard et ressentir sa présence dès le premier instant. Etre assailli, avant d’avoir ouvert les yeux, avant même les premières lueurs transperçant l’opacité des paupières, du souvenir d’heures tendres et lascives et de son corps serré par d’autres bras.

Sortir, le soir venu, pour que le bruit et la foule se substituent au silence et au vide intérieur. Arborer le sourire de celui qui va bien, en espérant que l’alcool ne viendra pas réduire en miettes cet effort. Attendre son appel jusqu'à presque oublier qu'il ne viendra plus.

Boire, pour oublier bien sûr, et pour s’enfoncer à l’aube dans un sommeil sans rêve, satisfait de n’avoir pas à vivre un dimanche entier.

Retrouver au réveil cette boule qui semble ne plus vouloir quitter le fond de sa gorge. Sentir l’appel de son rocher du bout du monde et prendre la route. Rouler la fenêtre ouverte et la musique à fond pour rester sourd aux idées noires. Hurler face à la mer avec l’espoir que le vent, la force des vagues sauront emporter au loin sa douleur et noyer en même temps cet insigne espoir qui la nourrit.

Rentrer sans avoir pu se défaire de sa tristesse, sans qu’aucune larme n’ait pu s’échapper de la prison que la peine a construite.

Se dire que le temps réussira peut-être ce que ni le bruit et l’alcool, ni le vent et l’océan n’ont pu faire et se murer dans le silence au fil des jours et des semaines.

Dans l’espoir de lui manquer.

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