lundi 27 avril 2015

La plus infime des possibilités

J’ai jeté un coup d’œil en arrivant sur le parking, pour vérifier si sa voiture y était. J’ai été presque malgré moi dans le coin le plus reculé dans lequel on ne voit pas s’il s’y trouve des voitures à moins de n’en être qu’à une dizaine de mètres
J’ai pris le petit sentier qui monte jusqu’à l’immeuble. J’ai levé la tête en direction de l’appartement espérant y voir la lumière tamisée qu’elle affectionne. Mais l’intérieur semblait désespérément sombre : ni lumière, ni son ombre qui bougeait parfois lorsque j’arrivais.
J’ai gravi les escaliers doucement, sans courir afin de ne pas m’essouffler : je n’aimais pas être essoufflé lorsque je la serrais dans mes bras avant même de fermer la porte du pallier. Avant d’introduire la clef dans la serrure, j’ai vérifié, par acquis de conscience, que la porte n’était pas ouverte. J’ai souris de mon geste : elle fermait le verrou de toute façon pour que le chat ne puisse pas ouvrir la porte.
Je suis entré dans l’appartement et ai allumé le plafonnier. Puis j’ai été jusqu’à la petite lampe, l’ai allumée afin de pouvoir éteindre le plafonnier : si elle devait passer la porte, je ne voulais pas qu’elle se sente agressée par une lumière trop vive.
J’ai mis l’ordinateur sous tension avant d’aller me servir un verre de vin. A mon retour, j’ai vérifié mes emails : pendant les vingt minutes qui séparent mon domicile du bureau, elle aurait eu le temps de m’envoyer un message. Pris d’un doute subit, j’ai regardé si je n’avais rien reçu sur mon portable : appel manqué, sms. Je me suis vraiment trouvé ridicule à ce moment : entre la sonnerie et le vibreur, je n’ai jamais loupé un appel.
Je me suis roulé une cigarette en prenant bien soin de ne pas laisser tombé au sol des brins de tabac. J’ai toujours gardé en mémoire la réflexion qu’elle m’avait faite un jour : « déjà que tu m’asphyxie, tu pourrais au moins faire attention à ne pas salir ! ». Je n’ai pour autant pas pu me résoudre à passer aux cigarettes toutes faites, ni à arrêter de fumer. Avant de l’allumer, j’ai mis la musique puis me suis assis dans le canapé. J’ai observé la télé éteinte un bon moment. Je voyais dans le reflet de l’écran les volutes de la fumée monter doucement, dessiner des formes longues et fines qui m’ont rappelé les siennes.
Je me suis levé au bout d’un moment pour aller jusqu’à la cuisine. En prenant un morceau de jambon et une tomate, j’ai vu la bouteille d’eau pétillante dans la porte du réfrigérateur. Elle aimait bien cette eau lorsqu’elle se levait la nuit.
J’ai déposé l’assiette de jambon et la tomate sur la table de salon et suis allé dans la chambre dont je n’ouvre jamais les volets. J’ai laissé mes yeux s’habituer à la pénombre pour me rendre compte que le lit n’était pas défait. Je suis retourné au salon et me suis assis devant l’assiette. J’ai roulé une autre cigarette et me suis resservi un verre de vin. Je suis laissé emporter par ce morceau de musique qu’elle aimait tant et sur laquelle la lecture aléatoire s’était arrêtée. Pris de remord à cause de l’odeur que mes cigarettes allaient laisser, j’ai été cherché une bougie. Je l’ai placée dans ce bougeoir qu’elle m’avait offert à son retour. D’où revenait-elle déjà ? Etait-ce d’Inde ou du Maroc ? Elle voyageait tellement. Celui-là devait venir d’Inde.
J’ai allumé la bougie puis ma cigarette. Les volutes ont recommencé à danser au dessus de moi. Je les ai suivies des yeux jusqu’à ce que mon regard se perde sur l’horizon du plafond. L’un des seuls horizons que j’acceptais encore de voir.
Après avoir terminé ma cigarette, je me suis levé pour ramener l’assiette de jambon et la tomate dans la cuisine. La bouteille de d’eau se trouvait toujours dans le frigo.
Je me suis installé devant l’ordinateur afin de vérifier qu’aucun email ne m’était parvenu. J’ai supprimé les quelques pubs qui encombraient ma boite de réception et qui pourraient me faire passer à coté d’un nouveau message. J’ai ouvert le dossier personnel dans lequel j’avais stocké tous les mails qu’elle m’avait envoyés et j’en ai relu quelques uns. J’ai soigneusement évité de regarder celui qui se trouvait tout en haut. Parce que c’était le dernier. Parce que, celui-là, je le connaissais par cœur.
J’ai ensuite été regarder les photos stockées dans l’album de l’ordinateur. Pour vérifier. Mais non, je n’avais pas oublié son visage. J’avais toujours en mémoire ces taches de rousseurs, leur disposition exacte, la courbe de ses yeux, la forme de son nez, la couleur de sa bouche. En fermant les yeux, je me souvenais aussi de la douceur de ses lèvres, de sa peau.
J’ai éteint l’ordinateur après avoir vérifier qu’aucun email n’était arrivé entre temps. Je suis retourné sur le canapé, me suis roulé une dernière cigarette et me suis servi un dernier verre de vin. Le chat en a profité pour venir ronronner sur mes genoux tout en tricotant sur mon jean avec ses griffes. Je l’ai fait partir rapidement : c’était le jean que l’on avait acheté ensemble et puis elle n’aimait pas quand le chat « tricotait » sur elle.
J’ai écrasé ma cigarette, bu mon verre de vin. J’ai vidé le cendrier dans la poubelle pour éviter l’odeur de tabac froid qui l’agaçait tellement. J’ai éteint la lumière et ai rejoint la chambre. Je me suis dévêtu dans le noir comme j’en avais pris l’habitude pour ne pas la réveiller quand je rentrais tard. Puis je me suis couché sur le coté droit du lit, la tête tournée vers la place qu’elle occupait chaque nuit. J’ai hésité à me caresser. Je me suis retenu pour le cas elle serait arrivée en voulant retrouver le goût de nos étreintes.
J’ai laissé longtemps mon esprit vagabonder sur le paysage formé par la couette, étrangement plat de son coté. Je n’ai pas compris tout de suite pourquoi. J’ai mis du temps à me rendre compte qu’il aurait fallu que son corps soit présent. Son corps et pas seulement le souvenir que j’en gardais.
Le sommeil a séché mes larmes. Quelques rêves, sans doute, ont peuplé ma nuit.
Je me suis réveillé tôt comme à mon habitude. Je me suis levé sans faire de bruit, ai enfilé mon peignoir et suis parti dans la cuisine préparer mon café. Je suis passé dans le salon pour allumer l’ordinateur avant d’aller prendre ma douche. Après m’être habillé, j’ai vérifié ma boite de réception dans laquelle il n’y avait aucun message. J’ai bu mon café et me suis roulé une cigarette. J’ai mangé un morceau de pain avant de l’allumer en me souvenant qu’elle ne supportait pas l’idée que je fume à jeun.
Je suis resté un petit moment devant mon café, puis j’ai débarrassé la table. Avant d’aller me laver les dents, j’ai été éteindre l’ordinateur après avoir regardé ma boite de réception vide. J’ai jeté un rapide coup d’œil, un peu gêné, sur mon portable.
J’ai enfilé mon manteau, puis avant de quitter l’appartement, je suis resté quelques secondes à scruter chaque objet, chaque meuble pour imprimer dans ma mémoire les endroits précis ils se trouvaient, de façon à me rendre compte du plus léger déplacement durant mon absence.

J’ai refermé la porte avec ce même espoir au fond de moi de la retrouver le soir. Ce même espoir qui me fera consulter ma boite mail tout au long de la journée depuis l’ordinateur de mon bureau. Ce même espoir qui depuis deux ans, depuis que tu m’as quitté, me pousse à croire que l’amour peut être plus fort que la mort.

samedi 25 avril 2015

Déesse, encore...

J'ai assassiné le silence
Qui m'assénait que ton absence
A assigné à résidence
Tous mes instincts de résilience


Châteaulin, le 24 avril 2015

vendredi 10 avril 2015

Quand serre la vie...

J'ai mal quand je respire
La vie est comme un gaz
Qui m'emplit mais n'inspire
Que rage et métastases

Allergique au bonheur
Promesse de nécrose
Elle laisse sur mon cœur
Fleurir les ecchymoses

J'observe les tumeurs
Du vide qui prolifèrent
Au fil de longues heures
De silence mortifère

En phase terminale
D'un amour qui me ronge
J'espère la fin brutale
Fossoyeuse des songes


Brest, le 21 avril 2015