lundi 14 juillet 2014

Champ de bataille

Je suis le champ de bataille
Que tes tourments piétinent
Subissant la mitraille
De tes larmes intestines

Je suis le témoin impuissant
Du combat que tu livres
A ces sourires, naissant
De ton envie de vivre

Je suis le champ d'honneur
Que la mort même déserte
Me laissant à l'horreur
D'être un vivant inerte

Je suis le sang qui coule
Des blessures que tu t'infliges
Je suis le mort qui roule
Au pieds de nos vestiges


Brest, le 13 juillet 2014


dimanche 13 juillet 2014

Se dire...

Se dire qu’il faut rentrer parce que plus personne ne viendra frapper à la porte du bureau. Se dire qu’il faut rentrer et se demander pourquoi faire. Prendre son temps. Parcourir tous les locaux et vérifier chaque porte, chaque fenêtre, chaque volet. Fermer la dernière porte sur une semaine de travail dont le nombre d’heures, presque doublé, a au moins permis de ne pas penser à la semaine précédente.

Rouler sans vraiment voir la route, sans entendre la radio. Se dire que les infos, de toute façon, ne parleront pas de la seule actualité qui compte.

S’arrêter au supermarché et se rendre compte qu’à bien y réfléchir, les courses effectuées la semaine dernière doivent encore attendre dans les placards et le frigo. Détourner les yeux devants l’étal des fruits et légumes, cruels symboles d’un récent souvenir. Passer devant la caissière sans parvenir à lui décocher un sourire, habituel auparavant. Traverser le hall en courbant les épaules, la tête penchée vers le caddy, pour ne pas voir les couples rire en prévision du week-end qui commence.

Rentrer chez soi, enfin, et se dire que les automatismes ont la vie dure en découvrant appartement rangé, propre, sans vie. S’asseoir et se dire que l’autre intérêt d’avoir passer tant d’heures au travail, c’est de pouvoir maintenant gagner encore quelques heures de répit sur l’absence en s’enfonçant dans un sommeil épais. Sentir cette boule au fond de la gorge, cette boule que l’on connaît bien, et s’imaginer qu’au réveil, elle aura disparu…elle aussi…

Se réveiller une heure plus tard et ressentir sa présence dès le premier instant. Etre assailli, avant d’avoir ouvert les yeux, avant même les premières lueurs transperçant l’opacité des paupières, du souvenir d’heures tendres et lascives et de son corps serré par d’autres bras.

Sortir, le soir venu, pour que le bruit et la foule se substituent au silence et au vide intérieur. Arborer le sourire de celui qui va bien, en espérant que l’alcool ne viendra pas réduire en miettes cet effort. Attendre son appel jusqu'à presque oublier qu'il ne viendra plus.

Boire, pour oublier bien sûr, et pour s’enfoncer à l’aube dans un sommeil sans rêve, satisfait de n’avoir pas à vivre un dimanche entier.

Retrouver au réveil cette boule qui semble ne plus vouloir quitter le fond de sa gorge. Sentir l’appel de son rocher du bout du monde et prendre la route. Rouler la fenêtre ouverte et la musique à fond pour rester sourd aux idées noires. Hurler face à la mer avec l’espoir que le vent, la force des vagues sauront emporter au loin sa douleur et noyer en même temps cet insigne espoir qui la nourrit.

Rentrer sans avoir pu se défaire de sa tristesse, sans qu’aucune larme n’ait pu s’échapper de la prison que la peine a construite.

Se dire que le temps réussira peut-être ce que ni le bruit et l’alcool, ni le vent et l’océan n’ont pu faire et se murer dans le silence au fil des jours et des semaines.

Dans l’espoir de lui manquer.

vendredi 11 juillet 2014

Les mêmes choses

On fait les mêmes choses.

On se lève le matin, la tête un peu plus lourde des courtes nuits. On prépare le café et on beurre les tartines qu’on ne mangera plus entièrement. On se brosse les dents devant le miroir en se regardant un peu moins pour ne pas voir les ravages de la fatigue. On s’habille avec un peu moins de recherche et de soin. On fume sa première cigarette en tête à tête avec sa dernière tasse de café.

On se met au volant de sa voiture en délaissant les infos pour des musiques sans parole. On arrive au travail où l’on revêt le masque : on répond aux « ça va ? » par les « ça va » dont on se fout. On fait bonne figure à défaut d’avoir bonne mine. On travaille, plus longtemps pour pallier aux absences passagères plus nombreuses, pour tuer les souvenirs qui assaillent chaque instant relâché. On prend ses pauses, plus courtes pour ne pas avoir à faire semblant trop longtemps.

On rentre chez soi, le soir, un peu plus tard. On n’y reste pas longtemps, juste ce qu’il faut pour reposer la crispation de son visage, torturé par le sourire forcé de la journée. On sort. On voit ses amis. On sourit. Encore. On parle, un peu moins fort. On entend sans écouter.

On rentre. Tard. Le plus tard possible. On boit un dernier verre en fumant une dernière cigarette. On va jusqu’au bout, jusqu’au bout de soi puisqu’on ne peut pas aller plus avant. On va jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la nuit sans rêve qui saura effacer les jours qui passent. Jusqu’à l’aube du jour sombre qui lèvera le voile sur l’évidence mais dont le pâle soleil ne saura éclairer que l’indécence du chagrin. On attend de n’en plus pouvoir pour céder la place au sommeil.

On se réveille. Encore. On répète les mêmes gestes matinaux. Le week-end, on range. On fait le ménage. On repasse, mécaniquement. On marche. Loin et longtemps. On attend le soir, la nuit, le matin…

On fait les mêmes choses.

Avec un peu plus.

Il y a les larmes en plus le matin, dans la journée et le soir. Ces sanglots rentrés aux hoquets douloureux. Il y a la tristesse, continuelle, avec laquelle on apprend à vivre.Il y a les regrets, lourds et pesants de ce que l’on n’a pas dit, pas fait.

Et il y a l’absence.

Cette absence, éclatante et superbe. Impudique et terrible. Cette absence qui brise les moments de répit, ressuscite la mort pour mieux poignarder l’espoir qui l’accompagne toujours. Cette absence que rien ne semble devoir estomper, mais qu’on cherche à oublier quand même… en faisant les mêmes choses.

mercredi 9 juillet 2014

Nuages

Le sang noir des nuages
Se répandait sur la nappe marine
Et mon cœur emporté par l'orage
Devenait une pierre saline


Brest, le 9 juillet 2014