vendredi 11 juillet 2014

Les mêmes choses

On fait les mêmes choses.

On se lève le matin, la tête un peu plus lourde des courtes nuits. On prépare le café et on beurre les tartines qu’on ne mangera plus entièrement. On se brosse les dents devant le miroir en se regardant un peu moins pour ne pas voir les ravages de la fatigue. On s’habille avec un peu moins de recherche et de soin. On fume sa première cigarette en tête à tête avec sa dernière tasse de café.

On se met au volant de sa voiture en délaissant les infos pour des musiques sans parole. On arrive au travail où l’on revêt le masque : on répond aux « ça va ? » par les « ça va » dont on se fout. On fait bonne figure à défaut d’avoir bonne mine. On travaille, plus longtemps pour pallier aux absences passagères plus nombreuses, pour tuer les souvenirs qui assaillent chaque instant relâché. On prend ses pauses, plus courtes pour ne pas avoir à faire semblant trop longtemps.

On rentre chez soi, le soir, un peu plus tard. On n’y reste pas longtemps, juste ce qu’il faut pour reposer la crispation de son visage, torturé par le sourire forcé de la journée. On sort. On voit ses amis. On sourit. Encore. On parle, un peu moins fort. On entend sans écouter.

On rentre. Tard. Le plus tard possible. On boit un dernier verre en fumant une dernière cigarette. On va jusqu’au bout, jusqu’au bout de soi puisqu’on ne peut pas aller plus avant. On va jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la nuit sans rêve qui saura effacer les jours qui passent. Jusqu’à l’aube du jour sombre qui lèvera le voile sur l’évidence mais dont le pâle soleil ne saura éclairer que l’indécence du chagrin. On attend de n’en plus pouvoir pour céder la place au sommeil.

On se réveille. Encore. On répète les mêmes gestes matinaux. Le week-end, on range. On fait le ménage. On repasse, mécaniquement. On marche. Loin et longtemps. On attend le soir, la nuit, le matin…

On fait les mêmes choses.

Avec un peu plus.

Il y a les larmes en plus le matin, dans la journée et le soir. Ces sanglots rentrés aux hoquets douloureux. Il y a la tristesse, continuelle, avec laquelle on apprend à vivre.Il y a les regrets, lourds et pesants de ce que l’on n’a pas dit, pas fait.

Et il y a l’absence.

Cette absence, éclatante et superbe. Impudique et terrible. Cette absence qui brise les moments de répit, ressuscite la mort pour mieux poignarder l’espoir qui l’accompagne toujours. Cette absence que rien ne semble devoir estomper, mais qu’on cherche à oublier quand même… en faisant les mêmes choses.

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