Tu t’es levée pour rejoindre la salle de bain. J’ai
débarrassé la table du petit déjeuner en prenant mon temps. Il me semblait que
nous avions trouvé préférable de ne pas être ensemble dans cet endroit si
exigu. Le miroir avait auparavant trop vu nos sourires se croiser : il se
serait certainement brisé devant la fuite de nos regards.
Quand je t’ai entendu entrer dans la chambre, j’ai pris ta
place. J’ai fixé ta brosse à dents tout le temps que j’ai passé à brosser
les miennes, la rendant responsable de
ce sourire que je n’avais pas vu aujourd’hui. Je savais bien pourtant, au fond
de moi, qu’elle n’y était pour rien. J’ai déposé ma brosse à dents à coté de la
tienne pour qu’elles puissent presque s’entrelacer.
Tu avais à peu prés terminé de t’habiller lorsque je suis
entré dans la chambre à mon tour. J’ai enfilé rapidement mes vêtements afin
d’éviter que tu me vois nu. J’ai pensé sur le moment que cela nous aurait
embarrassé tous les deux. Je t’ai regardé à la dérobée lorsque tu es sortie. Je
t’ai trouvé belle. Et ça m’a fait mal.
Je t’ai retrouvé dans la cuisine où tu nous avais servi
notre second café. Tu as allumé une cigarette et m’a tendu ton paquet, toujours
sans que nos regards ne se croisent, sans un mot. En le prenant, j’ai effleuré
tes doigts et m’en suis excusé. Nous avons fumé en silence, les regards
éperdument fixés sur des horizons trop proches.
Je t’ai surprise en te demandant quel serait le programme
de ta journée. Ta réponse m’a permis d’entendre le son de ta voix pour la
première fois depuis ton arrivée.
Et puis nous avons parlé. De tes collègues, du temps qui était
prévu, des taches sur la nappe, de la vidange qu’il fallait prévoir, de l’augmentation
du prix du carburant, du dernier livre d’Olivier Adam, de la déprime –
certainement passagère – de Murielle, de mon boulot… Au fur et à mesure, parler
devenait moins difficile. C’était comme une délivrance, un poids qui
s’atténuait à mesure que les mots s’échappaient de nos bouches.
Tu as fini par regarder l’horloge de la cuisine qui
indiquait l’heure proche du départ pour chacun d’entre nous.
Tu t’es levée pour mettre ton manteau. Tu as marqué une
hésitation, dont je devais me souvenir longtemps. Comme un mot, une
explication, une envie de venir vers moi. Nous sommes descendus ensemble
jusqu’au parking où nos voitures étaient garées cote à cote.
Tu as passé ta main le long de mon bras avant de monter
dans ta voiture. Tu n’as rien dit, tu ne m’as pas regardé. Tu as démarré et tu
as quitté ma vie.
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